Beaucoup de maths sophistiquées pour bien peu de bénéfice ! Le modèle Random Forest sélectionné par les auteurs s’est certes montré capable de prédire la taille adulte à partir de la taille avant 6 ans avec une erreur moyenne de -0,4 ± 4 cm, apparemment performant. Mais il n’a guère fait mieux que :
- la taille cible : 0,5 x (taille du père + taille de la mère + 13 cm) pour les garçons et 0,5 x (taille du père + taille de la mère -13 cm) pour les filles ;
- la taille cible conditionnelle [1] ;
- une « méthode de grand mère » : multiplier par 2 la taille à 18 mois pour les filles et multiplier par 2 la taille à 24 mois pour les garçons [2].
Performant pour la prédiction générale, le modèle Random Forest se trompe souvent en surestimant la future taille adulte des petites tailles.
Nous nous sommes toujours demandé si ces prédictions statistiques valables pour un grand nombre avaient la moindre utilité en pratique clinique pour un cas individuel. Dès lors qu’elles se basent sur la taille impubère, une erreur de prédiction de plusieurs cm est à attendre pour toute la fraction de cas n’ayant pas exactement le timing moyen de la puberté. Quand un jeune enfant non GHD est menacé de petite taille, rien ne vaut mieux qu’un simple suivi de la vitesse de croissance et l’estimation d’une fourchette de taille adulte en faisant trois hypothèses auprès des parents :
- puberté exactement en temps et heure comme la moyenne : suivre le même couloir sur la courbe générale de croissance des enfants
- puberté en avance : soustraire 5-7 cm
- puberté en retard : ajouter 5-7 cm
Cette façon de procéder, issue d’observations empiriques personnelles, n’a aucune prétention à l’exactitude du pronostic de taille. Mais elle permet de dire par exemple aux parents «si votre garçon fait sa puberté comme la moyenne des petits français, sa taille adulte sera autour de 160 cm. Si sa puberté est en avance, cette prédiction s’abaissera vers 153-155 cm. Si une puberté plus tardive (« late maturer ») permet une croissance plus prolongée, la taille adulte pourra atteindre 165-167 cm». Avec cette information conditionnelle, les parents peuvent de faire une idée, qui suffit à certains pour avancer dans leur réflexion. La prédiction d’une puberté avancée ou au contraire tardive peut s’appuyer, là aussi sans prétention à la précision, sur l’âge des règles des femmes de la famille.
C’est vers 11-12 ans que l’hypothèque sur la puberté pourra partiellement commencer à être levée. C’est un âge clé pour la prédiction de la taille adulte, celui où la consultation d’un endocrinopédiatre ne doit être manquée pour aucun enfant de petite taille. Il faut ensuite suivre l’enfant tous les 6 mois, puis tous les 4 mois quand on dépasse 13 ans chez les filles et 14 ans chez les garçons, en s’aidant de l’analyse des cartilages de croissance des membres inférieurs pour prédire le potentiel restant de croissance en hauteur restant.
Références
1. Hermanussen M, Cole J. The calculation of target height reconsidered. Horm Res. 2003;59(4):180-3.